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Oeuvres – Espace public

Installées dans différents espaces publics de la commune, ces œuvres sont un enrichissement pour tous. Souvent ”généreuses”, parfois sujet à polémique, elles ont cette qualité d’humaniser, d’inciter les habitants à porter un autre regard sur leur quartier et, pourquoi pas, sensibiliser certains au monde de l’art.

Ivan Avoscan
Soleil, 1981.
Sculpture composée de 12 blocs en pierre de Bougogne de 17 tonnes – 340 x 480 cm.
Parc Louis Dupic, Vénissieux.

 

Ivan Avoscan Soleil, 1981. Sculpture composée de 12 blocs en pierre de Bougogne de 17 tonnes – 340 x 480 cm. Parc Louis Dupic, Vénissieux.
D’origine italienne, Ivan Avoscan était tailleur de pierre, un métier exercé dans cette famille depuis plusieurs générations. Arrivé à Lyon en 1946, il suit des cours du soir pour apprendre la technique du modelage. En 1947 il est admis directement en troisième année à l’école des Beaux-Arts de Lyon. En 1950, il reçoit le Prix de Paris. C’est au cours de cette période qu’il développe une passion pour la sculpture de Bourdelle. Son retour à Lyon en 1955 marque le début de ses premières expositions de groupe au Salon Regain et au Salon du Sud Est. En 1963, il participe au Salon de la Jeune sculpture ainsi qu’à la troisième exposition de sculpture contemporaine du Musée Rodin à Paris. En 1964, il est nommé professeur à l’École des Beaux-Arts de Lyon où il a exercé jusqu’en 1986.
À la fin de la guerre, quatre grandes figures emblématiques dominent la scène sculpturale : Brancusi, Rodin, Bourdelle et Maillol. Pour Avoscan, l’œuvre de Brancusi est l’image d’une perfection jamais atteinte dans la sculpture moderne. Brancusi (1876-1957) est le pionnier d’une plastique pure. Pour lui, la main pense et suit la pensée de la matière. Sculpteur, Ivan Avoscan, à l’instar de Brancusi, a privilégié la taille directe, choisissant lui-même dans les carrières, les pierres qui convenaient le mieux aux formes qu’il souhaitait tailler. Sa double formation lui a permis d’acquérir non seulement une grande connaissance de ces matières et techniques associées, mais aussi le respect de la pierre, sculptant selon les particularités du bloc (forme, densité, dessin, grain, qualités de surface, etc.). Trois éléments récurrents contribuent à définir son œuvre : l’esprit d’ordre et de mesure ; le sens de la géométrie ; sa passion de la pierre. Son élan créatif travaille simultanément sur la stabilité et la mobilité. La plupart de ses œuvres sont régies par un grand souci de composition révélant l’intégrité de la forme et recherchant la cohérence interne.
Plusieurs œuvres créées entre la fin des années 1970 et le début des années 1990 partagent le thème de l’astre solaire (à Lyon, en 1978, station Bellecour, métro A ; au Japon en 1983 et en 1990 ; La Porte du Soleil en granit rose d’Espagne sur l’aire Savasse à Montélimar, autoroute A7, en 1989). À Vénissieux, Le Soleil est littéralement composé : trois grands fragments en dessinent la sphère au centre de laquelle émane l’énergie rayonnante, horizontale et verticale. La disposition en damier des bocs alterne des parties en saillie et d’autres concaves, rythmée par un jeu d’ouvertures elliptiques. La construction, équilibre des masses et des poids, évite ainsi tout statisme et rompt avec une frontalité trop rigoureuse. Cette dynamique structurelle permet à la lumière de jouer pleinement son rôle en donnant une lecture diversifiée du volume et du lieu selon l’intensité lumineuse. Le choix d’une teinte claire (beige) au profit de la texture granuleuse affirme la traduction poétique de l’image du soleil. Ainsi, les rayons de l’astre accrochent davantage le grain de la pierre, lui offrant un clair-obscur adoucissant son aspect géométrique.
Sylvie Lagnier, docteure en histoire de l’art

Alain Lovato
Signes-échanges, 1994.
Acier peint, pierre, résine et lumière composée de deux éléments, l’un de 400 x 350 x 300 cm et l’autre de 200 x 250 x 150 cm sur l’espace médiateur intérieur/extérieur de la salle polyvalente Irène Joliot-Curie. 68 boulevard Irène Joliot-Curie, Vénissieux.

 

Alain Lovato Signes-échanges, 1994. Acier peint, pierre, résine et lumière composée de deux éléments, l’un de 400 x 350 x 300 cm et l’autre de 200 x 250 x 150 cm sur l’espace médiateur intérieur/extérieur de la salle polyvalente Irène Joliot-Curie. 68 boulevard Irène Joliot-Curie, Vénissieux.©Georges Adilon.
Le travail d’Alain Lovato réunit deux passions, celle qu’il porte à un matériau en particulier, le fer et celle, relative à la question de l’espace, des relations entre ses objets, les corps et la lumière. Sa connaissance et son attrait des métaux est familial, son père, et avant lui ses aînés, étaient ferroniers-ferrailleurs. Jeune adulte, il rencontre le peintre Philippe Artias[1], avec lequel il peint, développe un sens esthétique et formel, aiguise son sens artistique. Mais c’est la sculpture qui le fascine. Regardant les œuvres de ceux qui l’ont précédé, Lovato s’inscrit dans une grande lignée de sculpteurs ayant travaillé le métal, à l’instar de Julio González considéré comme le père fondateur de la sculpture en fer moderne et un inspirateur essentiel pour de nombreux artistes ayant poursuivi dans cette voie.
Dans l’œuvre d’Alain Lovato, l’élément premier est la plaque de tôle. Il la découpe, l’ajuste, la combine à d’autres matériaux ou éléments prélevés. Le métal lui permet d’agencer des éléments géométriques, qui prennent la tradition de la sculpture à contre-pied en la libérant simultanément de la masse du poids et du toucher. Le second élément, c’est l’espace, partie intégrante de la sculpture tant au niveau de la structure interne de l’œuvre, qu’au niveau de son prolongement dans le tissu environnant avec des jeux de perspectives, de points de vue et d’équilibres.
Signes-échanges est exemplaire. La sculpture se fait repère ou signal, elle est le lieu du dialogue entre l’espace public, la salle polyvalente et le peuple. Sur le parvis, face à l’entrée, un parallélépipède bleu, ouvert sur ses six faces, est boulonné dans le sol par l’une de ses arêtes. Cette position amène la dynamique de l’ensemble ainsi que les lignes de fuite matérialisées par les tubes rouges. Deux d’entre eux sont fixés à proximité du volume, l’un le traversant en direction du toit en saillie, l’autre vers la façade près de l’entrée. Bien qu’ils soient interrompus, le regard en prolonge le tracé grâce aux fragments fichés dans le mur du bâtiment et à l’intérieur de la salle, développant alors tout un jeu de construction euclidienne. Si la sculpture a partie liée à l’espace, elle l’est aussi à la pesanteur. Alain Lovato joue de la gravité en plaçant au centre de la figure géométrique deux blocs de pierre non équarris maintenus par des tiges en acier. Leurs surfaces irrégulières permettent à l’ombre et à la lumière d’inscrire le temps au cœur de l’œuvre, le mouvement des planètes et la réalité de la matière, nous invitant à nous situer dans ce dispositif, à nous déplacer et découvrir cet autre bloc en équilibre précaire sur le faîte de la salle Joliot-Curie. Une direction nous ai proposée : prolonger le regard.
Alain Lovato a été co-fondateur de la MAPRAA en 1983 (Maison des Arts Plastiques et visuels Auvergne Rhône-Alpes) et en a pris la direction en 1993, succédant à Max Schoendorff. Il est aussi Vice-président de La Maison des Artistes depuis de nombreuses années.
Sylvie Lagnier, docteure en histoire de l’art
[1] Philippe Artias, de son vrai nom Jean Henri Saby-Viricel, est né le 3 septembre 1912 à Feurs. En 1929, il est étudiant à l’École des Beaux-Arts de Saint-Étienne. Il crée des tissus pour la haute couture. Il est très influencé par André Lhote avec lequel il entretient une abondante correspondance. En 1953, il rencontre Picasso dont il devient l’ami. À partir de 1963, il réside à Saint-Étienne, où il est nommé directeur des arts plastiques de la maison de la culture en 1972. Il décède à Numana, en Italie, le 28 août 2002.

Georges Salendre
La République des Peuples, 1968.
Sculpture en pierre de Bourgogne. 180 x 400 x 1000 cm.
Place Gaston-Monmousseau, Vénissieux.

Maquette de la République des Peuples, Nu assis, 1968. Sculpture en pierre de Bourgogne. 220 x 188 cm. Place Ennemond-Romand, Vénissieux.


Georges Salendre La République des Peuples, 1968. Sculpture en pierre de Bourgogne. 180 x 400 x 1000 cm. Place Gaston-Monmousseau, Vénissieux. Maquette de la République des Peuples, Nu assis, 1968. Sculpture en pierre de Bourgogne. 220 x 188 cm. Place Ennemond-Romand, Vénissieux.
Maquette de la République des Peuples, Nu assis, 1968. Sculpture en pierre de Bourgogne. 220 x 188 cm. Place Ennemond-Romand, Vénissieux.
Le titre de la sculpture associe la notion de République à celle de représentation des peuples, ce qui en fait la figure du « grand nombre ». Au-delà de sa masse, de son poids et de sa hauteur jouant avec les tours environnantes, l’allégorie oriente les consciences individuelles vers les grandes vertus abstraites qui rassemblent : vérité, devoir, solidarité, etc. La figure de Marianne en place publique se situe ainsi entre histoire de l’art et histoire de la pédagogie républicaine.
Georges Salendre remporta le premier prix de sculpture de l’école des beaux-arts de Lyon en 1913, après avoir été apprenti tailleur de pierre aux carrières de Grand-Corent, dans l’Ain. Il a allié la maîtrise technique de la taille directe à la connaissance de la pierre et développé un sens esthétique inscrit à la fois dans l’héritage de la sculpture classique et l’assimilation des enjeux formels de la modernité. La référence à Henri Matisse est connue dans l’œuvre de Salendre. Sculpteur autour de 1905, Matisse a supprimé tout élément narratif, anecdotique ou psychologique. Il renouvelle alors la sculpture en démontrant qu’avant d’être une figure, elle est faite de quelques kilogrammes de matière. La dénonciation des fictions, en sculpture, dégage le poids. Dans les sculptures de Matisse, les représentations de nus féminins sont des variations de l’indispensable prise de contact entre la figure et la terre.
La maquette de cette République des Peuples, intitulée Nu assis témoigne de cette filiation. Sculptée dans la pierre de Bourgogne, ses dimensions plus modestes que l’œuvre finale, permettent au regard de suivre la douceur des courbes, de mesurer cet appui qui maintient l’équilibre, de suivre ces passages entre la masse et la grâce tranquille. La maquette est la dernière version avant l’œuvre définitive, elle permet de se glisser dans le processus artistique de l’artiste et de mesurer l’écart apporté par le changement d’échelle. La pesanteur ainsi démasquée, permet aux sculpteurs à la suite de Matisse, de renouveler le vocabulaire formel. Ce sont alors des formes plus massives, plus compactes, « simplifiées » par la leçon du cubisme, un travail différencié des surfaces afin de jouer de l’ombre et la lumière.
En août 1914, Georges Salendre fut mobilisé et affecté au 6e régiment d’artillerie de campagne, unité au sein de laquelle il a combattu jusqu’en mai 1918, quand il fut grièvement blessé par une salve d’obus allemands en Champagne. Laissé pour mort sur le champ de bataille, il survécut grâce aux chirurgiens lyonnais. Sans doute dans la période de l’entre-deux-guerres, il adhère au parti communiste et milite avec des peintres et des écrivains dans le domaine artistique. C’est ainsi qu’il fut, en 1925, l’un des fondateurs de l’Union des arts plastiques qui a donné naissance au Salon du Sud-Est. C’est à cette occasion qu’il rencontra Utrillo et Suzanne Valadon, lesquels devinrent ses amis. En 1937, il reçut le grand prix de l’exposition internationale de sculpture de Paris. Dans ce contexte – bien que n’ayant pas de sources pour confirmer l’hypothèse – il est difficile d’écarter sa possible participation aux débats qui ont animé le Front Populaire vers 1935-1936 sur les enjeux du réalisme dans l’art. Débats d’idées animés pour développer « l’art pour tous » qui opposaient notamment deux grandes figures de l’art : Fernand Léger et Louis Aragon. Cependant, l’esprit unanimisme du Front Populaire semble l’emporter avec la recherche de ce qui unit plus que de ce qui divise. Georges Salendre partageait peut-être ce nouveau réalisme – issu des recherches de l’art moderne nourries notamment par le regard qu’ont porté tous ces artistes sur l’art des cultures extra-occidentales -, prôné par Fernand Léger.
Georges Salendre a ensuite tenu un rôle important dans la Résistance, participant aux combats pour la Libération de Lyon, il est du reste, l’auteur de nombreux monuments commémoratifs à la gloire des soldats morts pour la France. Son œuvre est très présente dans les espaces publics de Lyon métropole et au-delà, avec des thèmes sans cesse renouvelés, personnages politiques contemporains, scènes de vie quotidienne, scènes religieuses et la femme, sans doute l’un de ses sujets de prédilection.
Sylvie Lagnier, docteure en histoire de l’art