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Les dernières acquisitions du Centre d’art

La collection municipale d’art moderne et contemporain du Centre d’art Madeleine Lambert s’enrichit chaque année de nouvelles œuvres. Sous la présidence de l’Adjoint au Maire délégué aux Finances, à la Culture et à l’Innovation et développement numérique de la Ville de Vénissieux et la direction de Xavier Jullien, directeur du centre d’art, le comité d’achat débat de l’entrée de nouvelles œuvres dans la collection une fois par an.

Mathilde Caylou
Serres, 2021-2022. Ensemble de trois pièces fixées sur une dalle lumineuse LED.
Verre soufflé, verre sablé, dessin au lustre recuit à base température. 120 x 30 x 25 cm.

 

Mathilde Caylou : Serres 2022. Verre soufflé, verre sablé, dessin au lustre recuit à base température. ©Blaise Adilon.
Ces pièces ont été réalisées lors de ma résidence à Vénissieux en 2021-2022.
Les dessins sont des représentations des serres municipales, reproduits sur verre d’après mes croquis réalisés in situ.

[…] Le lustre irisé donne la sensation d’un dessin discret, presque fantomatique. Cet effet qui m’a été inspiré par les traces laissées par le passage de l’eau, visibles sur les vitres des serres. Les œuvres de Mathilde Caylou résultent d’une observation sensible et physique du vivant.
C’est par une approche de terrain, qu’elle prête une attention particulière à la conception des écosystèmes, à l’occupation des sols, à l’organisation de la coexistence des êtres humains et non humains. Imprégnée depuis longtemps des mondes paysans, elle est à l’écoute des pratiques et raisonnements de celles et ceux qui appréhendent les sols quotidiennement. En ce sens, elle collabore régulièrement avec des paysan.nes qui sont, du fait de leurs activités, les artisan.es des territoires ruraux. Du découpage géométrique des sols aux plantations d’arbres ou de céréales, en passant par les pâturages herbagers ou les vignobles, ielles entretiennent, organisent et façonnent les biotopes qu’ielles habitent. Alors, le sol devient un point d’ancrage et de connexion entre les territoires arpentés. Les œuvres portent les empreintes de sols prélevés et augmentés par le travail du verre. D’une manière quasi exclusive, Mathilde Caylou travaille en effet une matière terrienne qui provient directement du sol. Le verre, à la fois fragile et solide, lui permet de transformer les réalités de lieux dont elle nous transmet les topographies et les histoires. Son souffle et ses gestes s’incorporent à la matière translucide. Celle-ci transporte les lieux prélevés dans un espace mental, organique et poétique où se déploient nos propres imaginaires nourris de terre, d’air, d’eau et de feu […] Extrait du texte de Julie Crenn.

Elodie Fradet
La Traversée, [ ❚1 – ❚2 ], 2014 in progress. Vidéo HD 16/9. 1/3 exemplaires. 5 min, 29 s.

 

Elodie Fradet : La Traversée, [ ❚1 - ❚2 ]. 2014 in progress<br />
5 mn 29 sec<br />
Vidéo HD 16/9. © l'artiste.
En 1992, sur l’île, mes chers parents gagnent une caméra au Super U. Dès l’âge de 8 ans, je tourne mes premières images. Ce sont déjà des images des miens. Mes nomades sédentarisés déambulent le long des routes de Vendée en attente du passage des sœurs cyclistes, tous bien trop rapides, bien trop vigilants des traces qu’on laisse sur notre passage, pour rester dans le cadre. De ses images du passé naîtra l’idée de La Poursuite réalisée en 2013. En 2009, je commence à travailler aux côtés d’Agnès Varda. Bien qu’éblouie par le monument cinéma, ce qui m’intéresse c’est la petite entreprise, un complot entre quelques personnes. Ce qui me captive dans le processus de création vidéographique c’est le rapport à une matière concrète et à la fois impalpable, qu’il s’agisse de l’espace, du temps, de mes créateurs/créatures, de tout ce avec quoi on compose. Le paradoxe est bien là : construire des réalités avec de l’insaisissable. Je creuse soigneusement les éléments de mon concept : habiter l’image comme on habite le monde. Un monde composé de réalités changeantes où il nous faut renégocier les réalités passées pour imaginer le présent, le monde en train de se faire. Aujourd’hui et depuis 2017, je réalise mon premier long-métrage documentaire à destination des cinémas. La p’tite fradette est inspirée de la fadette de Georges Sand. La p’tite Fradette c’est moi. Fradette et Fadette jouent ce même rôle qu’elles ont en commun, d’être des médiatrices sociales hors-pair qui parviennent à faire communiquer des êtres et des mondes qu’a priori tout sépare. Métisse de culture, fille d’un paysan, un gadjo – Gadjo est un terme sanskrit qui signifie « l’homme attaché à la terre » – et d’une gitane, j’interroge comment d’histoires d’amour en histoires d’amour, tous les miens ont stoppé leur voyage. En allant épouser une autre culture, celle d’habiter le monde dans des murs construits en dur, enracinés dans la terre de manière durable, ils ont dû accepter, petit à petit, d’enterrer leur propre culture par la racine. Mes anciens résistent avec leurs caravanes à plat mais bien là sur les terrains de campagne, bras ouverts sur ma caméra au poings levé. Je suis de la nouvelle génération. Je suis partie du pays. Je vis comme une gadji dans une maison. Dans le film et dans la vie, je me suis même mariée à une femme pas voyageuse, pas paysanne, pas prolétaire. Ma résistance et mon mouvement à moi sont les images, des images de nous vers vous. Aujourd’hui et en prémisse des salles obscures, je vous propose de découvrir mon travail de vidéaste dans lequel vous pourrez retrouver mes préoccupations de filmeuse, mes chers parents, mes schpouks – fantômes dans la langue des Voyageurs -, et mes mystères qui je l’espère traverseront les vôtres. Elodie Fradet.

Frédéric khodja
Paysages aveuglés plans séquences de 1 à 4, septembre 2022.
Encre sur papier. 50 x 65 cm (x 4).

 

Frédéric Khodja : Paysages aveuglés plans séquences de 1 à 4, septembre 2022. Encre sur papier. 50 x 65 cm (x 4). © l'artiste.
[…]Objets de géométrie.
Comme venues d’une histoire parallèle, d’étranges figures géométriques sont installées dans les paysages, des panneaux sur pieds, des surfaces rectangulaires représentées en perspective, ou de simples lignes verticales. Elles tranchent – à tous les sens du terme – dans cette atmosphère d’indétermination figurale ; leur contour aiguisé semble découper visuellement la surface.
D’un dessin à l’autre, quelques constantes viennent reprendre et légèrement modifier les scènes pour nous conduire du flottement enivrant jusqu’à la figure bien orientée, comme pour chercher un passage du signe à la textualité. […] Ces objets géométriques organisent-ils l’espace par leur perspective ? En partie, mais il semble que leur fonction soit autre. Comme une éclosion d’objets, ils instaurent l’événement d’une narration en attente de personnages, renforçant l’ambiance onirique et inhabitée de cette série. Le rêve, ou encore le souvenir sont vraisemblablement au nombre des ascendants de cet ensemble doux et insistant. Les dessins jouent l’un après l’autre une partition répétitive reliant l’espace chromatique aux objets géométriques, comme pour évoquer un souvenir matriciel qui se renforcerait dans cette fragmentation. Ricoeur, dans Temps et récit, parle d’une histoire non racontée qui serait au fondement du sujet psychique. Nous aurions en nous une structure narrative primordiale qui resterait en attente et nous constituerait.
L’évanescence de ces paysages, les énigmes qu’ils présentent laissent indubitablement une place à la narration, une forme de narration très imaginaire, qui va jusqu’au fantastique. Il n’est pas étonnant qu’une partie des références littéraires évoquées par Frédéric Khodja penchent vers le réalisme magique : Bioy Casares, Silvina Ocampo dont l’ampleur de l’imagination s’ancre dans des fragments de réel, ou le Melville de La véranda, qui développe à l’envie spécularité et illusion visuelle. […]

Myriam Méchita
My heart is smoking, 2022. Céramique émaillée. 18 x 22 x 34 cm.
Le plaisir intime des réunions, 2022. Céramique émaillée. 19 x 19 x 12 cm.
An archive of felling, 2022. Céramique émaillée. 23 x 16 x 15 cm.
Achat auprès de la galerie La taille de mon âme, Lyon.

 

My heart is smoking, 2022. Céramique émaillée. 18 x 22 x 34 cm.<br />
Le plaisir intime des réunions, 2022. Céramique émaillée. 19 x 19 x 12 cm.<br />
An archive of felling, 2022. Céramique émaillée. 23 x 16 x 15 cm.
“Par les dessins, les céramiques, les œuvres en bronze ou en verre, Myriam Mechita donne corps aux violences du monde. Je cherche des diamants dans la boue. Sans concession, l’artiste tellurique explore les profondeurs de l’histoire humaine. Des mémoires enfouies, elle fait remonter à la surface, à nos yeux, des images, des flashs, des révélations qui ne connaissent ni espace ni temps.”
 « Matière immatérielle, la boue est aussi chez elle un espace symbolique qui englobe les violences de nos existences passées et présentes, écrit pour sa part Julie Crenn. Par les dessins, les céramiques, les sculptures, Myriam Mechita donne corps à ces violences. (…) Des émotions à la fois paradoxales et complémentaires nous envahissent. (…) De la terre, à la mine de graphite, du bronze, du verre, les matériaux proviennent de la terre, ils sont liés à des énergies, des propriétés physiques et chimiques, des légendes, des mythes, des récits que l’artiste mêle aux siens, aux nôtres. Elle dessine ou sculpte des corps, humains ou animaux, fragmentés, amputés, violentés. (…) Les corps, monstrueusement magnifiques, sont les réceptacles de nos histoires, de nos héritages visibles et invisibles. » Puissante, tour à tour captivante et inquiétante, l’œuvre de Myriam Mechita a la faculté de convoquer immanquablement l’imaginaire, de s’immiscer, aussi, dans l’intimité du regardeur, jusqu’à mettre au jour des souvenirs enfouis. Et lorsque d’aucuns l’interrogent sur la noirceur et la dureté, parfois ressenties, du propos, Myriam Mechita fait simplement part de son constat d’un monde ainsi fait. Ce qui ne l’empêche pas de vivre « avec bonheur » tout ce qui peut l’être. Mais sans jamais se départir d’un besoin vital de se maintenir dans une forme d’« intranquillité ». La récurrence de certaines figures, motifs et gestes, qu’elle n’hésite pas à qualifier d’« obsessions », venant nourrir de manière cyclique le jeu d’équilibre et de mise en tension permanente qui caractérise sa pratique. « Je ne suis pas une artiste conceptuelle. Mon travail, c’est ce que je suis, précise-t-elle. J’ai l’impression de travailler à une sorte de pièce qui n’a pas de fin. Tous les dessins, sculptures, pièces sonores, vidéos sont une seule et même installation, rien n’est autonome. C’est un corps éclaté en mille morceaux.
Extraits d’un entretien, à visionner ci-dessous, conduit en 2017 par Julie Crenn et Pascal Lièvre dans le cadre de leur série Herstory, consacrée aux femmes artistes et, notamment, aux difficultés allant de pair avec leur genre. Elle réunit les témoignages de 33 femmes et de neuf hommes à consulter sur le site Archivesherstory.com.

Laurent Pernel
Cosmos, 2022. Gouache, encre et aquarelle. 75 x 100 cm.
BOOM !!, 2022. Gouache, encre et aquarelle. 51 x 66 cm.

 

Cosmos, 2022. Gouache, encre et aquarelle. 75 x 100 cm.<br />
BOOM !!, 2022. Gouache, encre et aquarelle. 51 x 66 cm.
Mon travail repose sur une observation contextuelle du lieu dans lequel il se déploie. Il forme un corpus d’oeuvres liées à l’architecture, à la ville et au paysage. Les caractéristiques historiques, sociales, politiques et formelles d’un lieu sont à la base de mes projets et me permettent de tisser des liens pour rencontrer les acteurs locaux avec qui je collabore ensuite. Responsables d’associations, élus et artisans sont des intermédiaires primordiaux pour que le travail puisse prendre forme sur le territoire. On peut parler d’un travail in situ, qui par sa présence, interroge le lieu, le contrarie et/ou le révèle sous un autre regard.
Mon travail tente de mettre sur une même ligne de lecture, des lieux ou des éléments que rien n’amènerait à se faire rencontrer. L’humour, l’absurde voir le burlesques sont des qualités avec lesquelles j’aime travailler et me permettent de revitaliser et de questionner mon regard sur notre quotidien. J’aime l’idée que la première lecture de l’oeuvre soit très instantanée et immédiate. Comme un surgissement qui s’impose à soit. Passé cette première rencontre avec l’oeuvre, le regardeur peut alors se saisir du travail et le découvrir dans ses dimensions les plus infimes. Ma production artistique n’a pas l’autorité de l’affirmation. Elle pose des questions et remet en jeu des points de vue et des certitudes. Le dessin est un moyen d’expression important dans mon travail artistique. Qu’il soit médium de production ou outil de recherche, il est au coeur de mon activité créatrice. Le dessin est une phase d’enregistrement de l’espace qui me permet d’appréhender le lieu. C’est un moment de concentration me permettant de trouver la place et l’échelle la plus juste du travail à venir. Depuis 15 ans je réalise des films d’artistes et documentaires. Ce processus d’écriture et de fabrication, commence par la constitution d’une documentation puis par des rencontres qui se poursuivent par des collaborations riches et inédites. Je filme pour comprendre les interactions et les enjeux qui unissent les lieux aux femmes et aux hommes d’un territoire. Dans mes films, le rapport au paysage est souvent à la source d’un désir, et le travail des archives un élément constitutif du récit. La nature des projets mis en place détermine le choix du médium. Que ce soit pour intervenir dans l’espace public, au travers d’installations éphémères ou pérennes, dans le cadre de 1 % artistique, ou pour la réalisation de dessins, photographies et films. Ma pratique répond au désir d’être multiple, comme le sont les invitations et sollicitations auxquelles je réponds.